Jusqu’en Cour supérieure pour avoir raison

« Harcelée et menacée » pendant neuf ans par la SAAQ, une accidentée de la route a finalement dû se rendre jusqu’en Cour supérieure pour faire respecter une décision « déraisonnable » du Tribunal administratif du Québec.

NICOLAS SAILLANT
PHOTO: PIERRE-PAUL POULIN

« J’ai de la misère à le croire. On dirait que je m’attends tout le temps à ce qu’ils reviennent contre moi », lance Manon Collard, qui est encore incapable de savourer sa victoire.

Alors qu’elle était âgée de 13 ans, la jeune Manon s’est fait happer par un chauffard lorsqu’elle descendait de l’autobus scolaire. Elle a depuis des « séquelles importantes » au genou, mais elle a tout de même pu avoir une vie active comme fileuse jusqu’à ce que tout « dégringole » en 2008.

Invalide

En raison de l’usure prématurée de son genou, les médecins ont procédé à une intervention chirurgicale pour installer une prothèse. « Ça n’a pas fonctionné, le genou ne pliait pas », raconte Manon, qui a subi deux autres interventions infructueuses ensuite.

Estimant qu’elle n’était plus capable de travailler comme fileuse, la SAAQ a toutefois jugé qu’elle était capable de travailler au service à la clientèle.

Malgré l’avis de trois experts, la SAAQ a ainsi réduit substantiellement ses prestations, forçant la femme à s’adresser au Tribunal administratif du Québec (TAQ) pour avoir son dû.

En janvier 2016, Manon croyait donc en avoir fini lorsque le TAQ lui a donné raison puisqu’une telle « décision est finale et sans appel ». Or, dans une décision qui « étonne », deux autres juges du TAQ ont changé la décision.

PHOTO PIERRE-PAUL POULIN
Marc Bellemare, Avocat de Manon Collard

 

La calculatrice

« La Cour supérieure intervient dans le cas d’abus de pouvoir, d’une décision déraisonnable, lors de cas extrêmes et c’en est un », explique l’avocat Marc Bellemare, qui a pris le dossier en main. Et la décision de la Cour supérieure semble lui donner raison.

« Ils ont cherché à contourner la finalité », écrit la Cour supérieure, qui se dit étonnée de la décision du TAQ « qui ne tient pas la route ».

a SAAQ ne regarde pas le dossier, elle regarde la calculatrice. Une conclusion qui choque Me Bellemare. « Que la SAAQ fasse ça, on commence à être habitué, mais que le Tribunal administratif tombe dans ce jeu-là, c’est aberrant. »

De son côté, la femme de 51 ans avoue être aigrie et en « colère » malgré cette victoire.

Elle affirme avoir été « harcelée et menacée » par la SAAQ tout au long des débats judiciaires. « Ils me disaient “ne dépensez pas ce qu’on vous donne parce que si on gagne vous devrez tout nous rembourser” », affirme-t-elle.

Elle plaint donc les accidentés de la route qui, contrairement à elle, n’ont pas de blessure visible. « Ce n’est pas comme si ce n’était pas évident », lance Mme Collard en se déplaçant lentement.

LE FIL DES ÉVÉNEMENTS

1979 : À l’âge de 13 ans, Manon Collard se fait happer par un chauffard en sortant de l’autobus. Elle est touchée au genou droit.

2008 : L’usure prématurée de son genou gauche et un mal de dos chronique l’obligent à prendre plusieurs congés au travail. Elle se fait opérer une première fois pour remplacer son genou par une prothèse.

2012 : Une troisième opération infructueuse pour remplacer son genou est tentée.

18 juin 2015 : La SAAQ juge qu’elle « est apte à occuper, à temps plein, un emploi de préposée au service à la clientèle ».

21 janvier 2016 : Le Tribunal administratif du Québec (TAQ) infirme la décision de la SAAQ.

28 novembre 2016 : Le TAQ rend une deuxième décision pour annuler la première qu’il avait prise en janvier.

28 juin 2017 : La Cour supérieure déclare que la première décision du TAQ est exécutoire.