Long bras de fer avec la SAAQ

(Trois-Rivières) Anne Cyr, une résidente du secteur Cap-de-la-Madeleine, a obtenu une indemnisation de la Société de l’assurance automobile du Québec 32 ans après avoir été impliquée dans un accident de la route. Un jugement rendu le 13 juin dernier par le Tribunal administratif du Québec reconnaît en effet que Mme Cyr a droit à une pleine rémunération de la part de la société d’État.

C’est avec l’aide de Me Marc Bellemare, avocat spécialisé dans la défense des victimes du travail et de la route, que Mme Cyr a fait valoir sa cause devant le tribunal. Les juges Stella Phaneuf et Carl Leclerc ont étudié pendant plusieurs mois les aspects médicaux et légaux du dossier avant de donner raison à la poursuite.

Si la cause s’est retrouvée en cour, c’est parce que la SAAQ refusait d’adhérer à une demande d’indemnisation pour invalidité déposée par Mme Cyr concernant un accident survenu en 1984. À l’âge de 19 ans, alors qu’elle traversait à pied une intersection à Chicoutimi, cette dernière a été heurtée par un automobiliste. L’accident a laissé des séquelles permanentes qui continuent de la faire souffrir.

«Après l’accident, j’ai été en chaise roulante, avant d’utiliser une marchette, puis des béquilles. Aujourd’hui, je me promène avec une canne, car j’ai toujours du mal à marcher. Je prends une médication très forte pour limiter la douleur. J’ai eu des infiltrations aux genoux, de l’arthrose, des hernies discales et plusieurs luxations de l’épaule», énumère Mme Cyr. La mère monoparentale raconte aussi qu’elle a dû élever ses deux filles en composant avec sa condition médicale.

Comble de malheur, Mme Cyr a été obligée de fermer sa garderie en 2011 parce qu’une rechute sévère la faisait continuellement tomber. Elle a alors été déclarée invalide par son médecin, le docteur Luc Bouvet. Elle était en effet incapable d’effectuer quelque travail que ce soit. Le médecin a également fourni des rapports médicaux à la SAAQ afin que sa patiente puisse être indemnisée. En novembre 2012, le dossier de Mme Cyr a même été approuvé par un employé de la SAAQ. Cette décision a toutefois été révoquée en janvier 2013 par un supérieur hiérarchique. Mme Cyr avait pourtant été indemnisée à trois reprises au cours des années 1990 pour d’autres cas de rechute.

C’est à la suite de ce refus qu’elle a fait appel à Me Bellemare. Ce dernier explique que la SAAQ prétendait que, puisque l’accident avait eu lieu avant la réforme légale de l’assurance automobile, la couverture ne s’appliquait pas à Mme Cyr. «Avant que la loi ne change en 1990, la SAAQ ne considérait qu’il y avait rechute que si la victime était inapte à occuper tout emploi», précise Me Bellemare. Il faut savoir que la loi prévoit désormais que la SAAQ doit indemniser les victimes si celles-ci sont incapables d’occuper leur emploi régulier.

Le 7 janvier dernier, la cause a finalement été entendue. Me Bellemare a alors fait passer deux expertises privées à Mme Cyr. Cette stratégie s’est avérée fructueuse, puisque le jugement est allé en faveur de sa cliente. Me Bellemare était aussi impressionné par l’éloquence dont celle-ci a fait preuve. «Les expertises médicales et la crédibilité du témoignage de Mme Cyr ont jour pour beaucoup dans cette victoire. Les juges ont bien vu qu’elle n’était pas en mesure de travailler», déclare-t-il.

Me Bellemare s’est cependant montré critique envers la société d’État. «La SAAQ est toujours juge et partie. Elle est coincée entre son mandat d’indemniser les victimes et son mandat de limiter les dépenses. Par chance, le Tribunal administratif du Québec est indépendant», dit-il. «Ce que je déplore, c’est que même si des jugements sont rendus contre elle, la SAAQ ne change pas son système.»

Pour ce qui est de Mme Cyr, elle espère que sa persévérance inspirera d’autres victimes aux prises avec un cas similaire. «Je veux passer le message aux accidentés de la route de ne pas baisser les bras», conclut-elle simplement.