Mandat des juges de la Commission des lésions professionnelles: le gouvernement porte la cause en appel

le 10 mai 2011 à 05h00

(Québec) Le gouvernement du Québec a décidé de porter en appel le jugement de la Cour supérieure l’obligeant à nommer à vie – et non pour des mandats renouvelables de cinq ans – les juges de la Commission des lésions professionnelles (CLP). Une «obstination» qui continue de mettre en péril l’indépendance de ces magistrats, dénonce Marc Bellemare

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Publié par : cyberpresse.ca, Marc Allard

Vendredi, le procureur général du Québec a indiqué à la Cour d’appel qu’il en appelait de la décision rendue en avril par le juge Jean Lemelin, qui avait déclaré inopérante la limite de cinq ans du mandat des juges de la CLP, estimant qu’elle les empêchait d’exercer leurs fonctions en toute indépendance par rapport au gouvernement.

Selon le représentant du gouvernement, le juge Lemelin «erre» dans son jugement en comparant la nature du travail des juges de la CLP avec celui des juges du Tribunal administratif du Québec (TAQ) pour en conclure qu’ils devraient aussi être nommés à vie.

La CLP, devant laquelle travailleurs et employeurs contestent les décisions de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), est compétente dans un secteur plus spécifique qui exige moins d’indépendance par rapport au gouvernement, fait valoir le procureur général du Québec. Alors que le TAQ, devant lequel sont con­testées les décisions d’un ministère, d’un organisme public (régie, commission, hôpital, etc.) ou d’une municipalité, en exige davantage.

Bellemare en désaccord

Joint hier au téléphone, l’ancien ministre de la Justice, Marc Bellemare, a dénoncé la décision du gouvernement d’en appeler du jugement de la Cour supérieure.

L’Association des juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles est la partie demanderesse dans ce dossier. Marc Bellemare n’en fait pas partie. Mais il déplore que le Parti libéral continue à briser une promesse qu’il avait faite en vue des élections de 2003. L’avocat affirme qu’à l’époque, Jean Charest lui avait demandé d’écrire ce document intitulé Une justice administrativeaccessible et équitable. À la page 13, le Parti libéral – qui était dans l’opposition – s’engage à «abolir les mandats renouvelables de cinq ans des juges administratifs».

«On croit que ces juges, à qui on reconnaît aujourd’hui des pouvoirs considérables comme celui de décider du caractère constitutionnel d’une loi ou d’un règlement, ou de trancher des questions impliquant des dizaines, voire des centaines de milliers de dollars pour le gouvernement, peuvent se sentir gênés de rendre des décisions favorables au citoyen sachant qu’elles pourraient éventuellement faire des vagues dans les officines gouvernementales et compromettre le renouvellement de leur mandat», peut-on lire dans le document du Parti libéral.

Selon M. Bellemare, le gouvernement Charest refuse toujours de tenir sa promesse en raison des pressions du lobby syndical, notamment de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ). Marc Bellemare dit avoir été témoin d’une rencontre, le 29 mars 2004, lors de laquelle l’ancien président de la FTQ Henri Massé aurait convaincu M. Charest de ne pas aller de l’avant avec cet engagement.

«C’est important pour un accidenté du travail que le juge qui tranche entre lui et la CSST puisse bénéficier de cette indépendance-là, a dit M. Bellemare au Soleil, hier. C’est peut-être encore plus important d’avoir de l’indépendance dans ce domaine-là, compte tenu qu’il siège sur un tribunal qui relève du gouvernement.»