Québec en rupture avec la population sur C-10, dit Marc Bellemare


 

22/02/2012 12h46

L’ancien ministre de la justice du Québec Marc Bellemare a signalé son appui à la Loi C-10 du gouvernement fédéral : « Je ne suis pas d’accord avec tout : je pense qu’à certains égards, C-10 devrait aller plus loin, a précisé M. Bellemare. Mais quand même, c’est un message d’espoir pour les victimes avant tout, parce que ça les respecte et que ça reconnaît leur détresse.»

Publié par : La Presse, Hugo de Grandpré

Le gouvernement Charest est en rupture avec la population du Québec en matière de sévérité des peines criminelles et le gouvernement Harper doit redoubler d’efforts pour mieux faire connaître ce qu’il propose.

C’est en ces termes que l’ancien ministre de la Justice du Québec, Marc Bellemare, a signalé son appui au projet de loi C-10 lors de sa comparution en comité sénatorial à Ottawa mercredi matin. 

« La population du Québec se fait dire des choses qui ne sont pas véridiques », a-t-il lancé à l’égard des prises de position du gouvernement de Jean Charest contre ce projet de loi omnibus qui vise à rendre le système de justice criminel plus sévère.

 

« Je ne suis pas d’accord avec tout : je pense qu’à certains égards, C-10 devrait aller plus loin, a précisé M. Bellemare. Mais quand même, c’est un message d’espoir pour les victimes avant tout, parce que ça les respecte et que ça reconnaît leur détresse. Pour les citoyens ordinaires, c’est un message à l’effet qu’on va être plus sévères. C’est tout ce qu’il [le citoyen, NDLR] comprend, mais c’est déjà beaucoup. »

 

Évoquant un récent sondage de la firme Léger Marketing, l’avocat qui comparaissait en son nom personnel a ainsi affirmé que « le gouvernement du Québec est en rupture avec la population du Québec sur la question de la sévérité. Je suis convaincu, sondage à l’appui, que les Québécois veulent une justice plus sévère. Ils sont d’accord avec le projet de loi C-10 sur cette question-là, pour la sévérité des peines ».

 

Il a déploré le fait que, selon lui, la population soit mal informée. « Le plan de communication du gouvernement est assez anémique concernant C-10 », a-t-il noté, prenant quand même soin de féliciter le porteur de ballon de Stephen Harper dans ce dossier, le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu.

 

Mais « ça prend un plan de communication et ça presse ! », a-t-il exhorté.

 

 

L’exemple du Cambodge

 

À son avis, une fois adopté, les peines minimales prévues au projet de loi devraient elles aussi être bien communiquées à la population pour être efficaces. « Au Cambodge et en Thaïlande, a-t-il cité en exemple, vous vous promenez sur les autoroutes (…) et vous voyez des panneaux, de la publicité dans les écoles, dans les centres d’achats, qui disent : dans ce pays, si vous agressez un mineur, vous allez être cinq ans en dedans. Je ne comprends pas pourquoi au Canada, on n’a pas ça. »

 

Autre suggestion du témoin aux sénateurs : forcer les prisonniers qui en ont les moyens à contribuer financièrement à leur détention. « Qu’on leur demande sept piastres par jour comme on le fait dans les CPE au Québec, ça va au moins faire ça. Mais je trouve que ce serait peut-être normal qu’on en arrive à ça », a-t-il dit.

 

Il s’est enfin montré irrité par le Barreau du Québec et l’Association du Barreau canadien, qui selon lui ont laissé croire à tort qu’ils représentaient tous leurs 60 000 membres lorsqu’ils ont pris position contre certaines parties du projet de loi.

 

« C’est quelques dizaines d’avocats qui travaillent à rédiger un mémoire, qui vivent de grandes frustrations parce qu’ils représentent des intérêts opposés, les intérêts des accusés essentiellement, et ces frustrations-là se manifestent dans un mémoire et, éventuellement, dans la position officielle du Barreau », a-t-il dénoncé.

 

Pressions américaines

 

Le projet de loi C-10 demeure hautement controversé, tandis que son étude se poursuit cette semaine devant le comité de la justice la Chambre haute à Ottawa. Contrairement à l’ancien ministre québécois, plusieurs s’opposent à son adoption et réclament des amendements substantiels.

 

C’est le cas de la Law Enforcement Against Prohibition, un groupe d’anciens officiers de justice américains, qui ont fait parvenir une lettre au comité cette semaine pour les presser de ne pas reproduire les erreurs commises dans leur pays en matière de lutte contre la marijuana.

 

Ces voix s’ajoutent à d’autres, qui ont déjà rappelé au gouvernement Harper que plusieurs États faisaient marche arrière d’une approche trop répressive en matière de justice criminelle, en raison des coûts de détention trop élevés, notamment.

 

Marc Bellemare est resté de glace face à ces arguments. « Comparer le système juridique canadien, la justice criminelle, même avec C-10, avec certains qui existent dans des États américains, je trouve ça grossier », a-t-il tranché.