Quelle est la valeur d’un jugement de cour ?

Le système de libérations conditionnelles du Canada a été à l’avant-scène de l’actualité récemment.

Marc Bellemare, avocat et ex-ministre de la Justice
Le Journal de Québec

Deux cas ont particulièrement retenu l’attention, ceux d’Alain Potvin et de Tommy Lacasse.

À Québec, Alain Potvin a été condamné en juin dernier à huit ans de pénitencier pour avoir agressé sa victime mineure, Audrey Beaulieu, pendant sept ans. Il y a deux semaines, Mme Beaulieu était avisée par la Commission des libérations conditionnelles du Canada du fait que Potvin pourrait bénéficier d’une libération conditionnelle complète en décembre 2016. La lettre précise qu’il profitera de sorties sans escortes dès l’an prochain.

En Beauce, en octobre 2013, Tommy Lacasse a été condamné à six ans et demi de pénitencier. Le 17 juin 2011, Lacasse a tué Caroline Fortier, 17 ans, et Caroline Pruneau, 18 ans, alors qu’il conduisait avec les facultés affaiblies. Bien que réduite par la Cour d’appel, la question de la détermination de cette peine est actuellement devant la Cour suprême. En mai dernier, les parents des victimes recevaient une lettre de Service correctionnel Canada les avisant que Lacasse, incarcéré depuis un peu plus d’un an, sera admissible à une libération conditionnelle totale dès février 2015.

Opinion publique ébranlée

Très médiatisées au cours des dernières années, ces deux causes ont fortement ébranlé l’opinion publique. Les enquêtes policières ont été menées rondement, les procureurs de la poursuite ont réclamé des peines sévères, les crimes sont odieux et les facteurs aggravants aussi sérieux qu’abondants. Les juges ont tour à tour dénoncé la gravité des gestes, les fléaux de l’alcool au volant et des prédateurs sexuels et les séquelles innommables sur les victimes et leurs familles.

D’un côté, on demande aux juges d’être rigoureux et de diriger les procès avec parcimonie, surtout au criminel où l’exigence d’une preuve hors de tout doute favorise nettement l’accusé. On demande aussi à la poursuite de refléter l’opinion publique qui réprouve ces crimes ignobles et qui exige des peines sévères. On demande aux victimes de faire confiance au système de justice.

D’un autre côté, par contre, une fois que tout le monde a fait son travail, le système de libération conditionnelle intervient et charcute le jugement du 2/3. Le criminel s’en tire tout sourire avec une libération hâtive quasi automatique. Cette libération intervient généralement au sixième d’une peine de moins de deux ans qui relève des prisons québécoises et au tiers pour une peine supposément grave de deux ans et plus purgée dans un pénitencier fédéral.

Juges discrédités

Ce système discrédite complètement les juges et les peines qu’ils prononcent. Il détruit les victimes déjà lourdement affectées en leur disant qu’au fond, l’intérêt personnel du chauffard ou du pédophile prime sur tout, incluant leur détresse insurmontable et leur deuil pathologique. Dans ce contexte, il faut saluer l’initiative récente de la victime Audrey Beaulieu de lancer une pétition dénonçant la libération attendue de son agresseur Alain Potvin en 2016 plutôt qu’en 2022 comme l’avait pourtant décidé un juge de la Cour du Québec le 25 juin dernier.

Le gouvernement conservateur a multiplié, depuis son arrivée au pouvoir en janvier 2006, les mesures destinées à rendre la justice criminelle plus sévère, voire plus crédible. Ces mesures ont été applaudies par les victimes qui n’ont jamais été autant écoutées et surtout entendues. Il est maintenant temps que les élus fédéraux se penchent résolument sur cette farce monumentale qu’est devenu le système de libération conditionnelle.