Le soir du 29 novembre 2020, Yves Parisé a été atteint par balle, dans sa cour. L’histoire de cet homme, victime collatérale de la violence armée dans le Grand Montréal, avait défrayé les manchettes.
«Je me préparais à aller travailler, le lendemain matin, et tu te réveilles à l’hôpital. Ça a complètement changé ma vie!» témoigne l’homme de 62 ans, qui se déplace désormais en chaise roulante.
Voyez le reportage de Marie-Claude Paradis-Desfossés dans la vidéo.
Isabelle Bélanger, une quadragénaire, était propriétaire de son salon de coiffure. Le 2 octobre 2020, sa vie a basculé lorsqu’une femme, en psychose toxique, l’a agressé directement dans son salon.
«Je n’ai pas eu le temps de rien voir. Elle m’a sauté dessus, m’a pris à la gorge. Elle criait, me donnait des coups de pied et des coups de poing. Elle me disait: « je vais te tuer »», confie celle qui aujourd’hui ne peut plus travailler.
Mme Bélanger doit désormais se déplacer à l’aide d’un bâton, d’un déambulateur et même d’un quadriporteur dépendamment de la distance à parcourir. Elle conserve encore à ce jour des séquelles permanentes au niveau de ses hanches et de son cou qui l’empêchent de travailler.
Lourdeur administrative
Yves Parisé et Isabelle Bélanger sont désormais des personnes à mobilité réduite. Malgré les recommandations des experts qui les ont évalués, les deux ont dû attendre des mois, voire des années, avant de se faire rembourser des équipements leur permettant de se déplacer et d’être plus autonome.
M. Parisé expose un délai de plus d’un an pour un système lui permettant de monter son fauteuil roulant sur le toit de son véhicule. Mme Bélanger, pour sa part, attend toujours le remboursement de son quadriporteur acheté il y a quatre ans.
Recours judiciaires
De plus en plus de victimes d’actes criminels contestent les décisions en lien avec la réforme de l’IVAC adoptée le 13 octobre 2021. Depuis, selon les données recueillies par Noovo Info, 243 dossiers ont été ouverts au Tribunal administratif du Québec, dont 202 qui sont toujours actifs.
L’avocat Marc Bellemare, qui représente Isabelle Bélanger et une vingtaine d’autres victimes, se dit prêt à poursuivre la bataille en Cour supérieure.
«C’est un débat à suivre, parce que les enjeux sont importants. Les sommes sont importantes. Les victimes n’ont que ça pour payer le loyer, l’épicerie et les transports. Je peux vous dire qu’on va se battre pour obtenir justice», déclare Me Bellemare.
Combien vaut une vie mise sur pause?
M. Parisé a travaillé toute sa vie dans un entrepôt et aujourd’hui, il doit se déplacer en chaise roulante. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) confirme qu’aucun suspect n’a été arrêté en lien avec les événements violents du 29 novembre 2020. L’IVAC a mis fin à ses prestations il y a huit mois et lui a versé un montant forfaitaire.
«Je n’ai jamais rien signé. Ils m’ont déposé 215 000 $ qui est calculé à partir de quoi? J’en ai aucune idée. On est comme des vidanges!» déclare-t-il amèrement.
Isabelle Bélanger a coiffé ses clientes pendant 17 ans. Après son agression, elle a vendu son salon de coiffure et sa maison.
Une énième évaluation médicale, au coût de 2300$ confirme que les séquelles qu’elle conserve sont en lien avec l’événement du 2 octobre 2020, soit un an avant l’adoption de la réforme. Pourtant, ses prestations cesseront dans trois ans.
«J’ai maintenant une date de péremption. L’IVAC a décidé que ma vie valait 56 000$», commente celle qui a aussi reçu un montant forfaitaire.
Le ministre s’exprime enfin
Après avoir essuyé plusieurs refus concernant une demande d’entrevue, Noovo Info s’est rendu à un point de presse que tenait Simon Jolin-Barrette lundi à Saint-Jean-sur-Richelieu. Contraint de répondre, le ministre a toutefois évité de revenir sur le délai d’aide maximale imposé par la réforme. Il s’est contenté de répéter que la nouvelle loi permet d’indemniser davantage de victimes.
Ce à quoi M. Parisé répond: «Je l’inviterais à venir passer une semaine en chaise roulante. Peut-être qu’il trouverait ça moins drôle. Moi, même si on aide plus de gens, ça ne change rien à ma condition. Aujourd’hui je ne peux plus me déplacer!» critique-t-il.
Voyez le reportage dans la vidéo.
https://www.noovo.info/video/reforme-de-livac-des-crimes-gratuits-et-des-victimes-abandonnees.html