La Cour suprême rétablit la peine de six ans et demi de prison contre Tommy Lacasse

Tommy Lacasse avait été reconnu coupable de conduite... (Photothèque Le Soleil, Erick Labbé)

(Saint-Joseph-de-Beauce) Le juge Hubert Couture avait raison d’imposer une peine sévère à Tommy Lacasse pour passer un message dissuasif à tous les conducteurs ivres de la Beauce, tranche la Cour suprême. Du coup, elle confirme l’idée que le taux de commission d’un crime dans une région devient un facteur aggravant pour déterminer une peine.

JEAN-FRANÇOIS NÉRON | Le Soleil

Dans une décision partagée cinq contre deux, rendue publique jeudi, le plus haut tribunal du pays rétablit à six ans et demi, la peine du jeune chauffard qui avait été réduite à quatre ans par la Cour d’appel du Québec.

Le 4 octobre 2013, le juge Couture avait justifié la sévérité de la peine par l’importance d’envoyer un message dissuasif dans une région frappée par le fléau de l’alcool au volant.

«La conduite avec les facultés affaiblies accapare malheureusement un pourcentage important des causes. Presque un dossier sur cinq, lors des comparutions à la cour, monopolise le rôle. Serait-ce qu’ici plus qu’ailleurs, ce genre de conduite est banalisée?» se questionnait alors le juge Couture.

À ce propos, cinq des sept juges lui donnent entièrement raison. «En l’espèce, le seul fait d’avoir constaté que l’alcool au volant constitue un fléau dans le district de Beauce était suffisant en soi pour que le juge de première instance puisse considérer ce facteur dans la détermination de la peine juste et appropriée».

À titre de juge résident, la Cour suprême estime que le je juge Couture est au fait de la fréquence des diverses infractions dans son milieu et qu’il est le mieux placé pour bien apprécier le poids et bien évaluer la combinaison particulière des objectifs de détermination d’une peine pour protéger la communauté.

Du même souffle, les juges reprochent à la Cour d’appel de ne pas s’être prononcée sur le facteur «concernant la fréquence de la conduite avec les capacités affaiblies en Beauce.»

Une fourchette n’est pas une «moyenne»

La Cour d’appel avait réduit la peine de six ans et demi à quatre ans, principalement parce que la peine initiale était six mois plus élevée que la fourchette supérieure habituelle de trois à six ans pour ce type de crime dans des circonstances similaires.

Sur ce point, la Cour suprême explique que les fourchettes sont «utilisées principalement dans un but d’harmonisation (…) elles ne devraient pas être considérées comme des « moyennes », encore moins comme des carcans, mais plutôt comme des portraits historiques à l’usage des juges chargés de déterminer les peines».

En Cour d’appel, l’avocat de la défense, Alain Dumas, avait plaidé que la peine était excessive aussi parce que le juge Couture n’avait pas suffisamment tenu compte du potentiel de réhabilitation de l’accusé. La Cour d’appel lui avait donné raison.

De l’avis de la Cour suprême, le juge Couture n’a pas omis de considérer les facteurs atténuants comme le potentiel de réhabilitation, mais leur a plutôt accordé une importance moindre vu la nature de l’infraction dans cette affaire.

Seul aspect positif pour Lacasse, 22 ans, qui bénéficiera d’une possibilité de libération conditionnelle en 2017, son interdiction de conduire passe de onze à neuf ans.

Rappel des faits

Tommy Lacasse, 22 ans, a plaidé coupable en juin 2013 à l’accusation de conduite avec les facultés affaiblies causant la mort de deux de ses amis, Caroline Fortier, 17 ans, et Nadia Pruneau, 18 ans, à Sainte-Aurélie, en Beauce.

Dans la soirée du 17 juin 2011, il avait bu plusieurs bières et de la vodka. Vers 4h20 cette nuit-là, Tommy Lacasse a négocié une courbe à haute vitesse au volant de saMazdaSpeed6 sur la route 275. Sa voiture a dérapé. Elle a fait plusieurs tonneaux et a heurté le sol à trois reprises. Les deux passagères sont mortes sur le coup.

Le requérant a obtenu gain de cause en mai 2014. Les trois juges réduisaient la peine d’emprisonnement de six ans et demi à quatre ans et l’interdiction de conduire, de onze à quatre ans.

Les parents des victimes ont protesté haut et fort contre cette réduction de peine, appuyés publiquement par l’avocat Me Marc Bellemare, spécialisé dans la défense des victimes de la route. La Cour suprême a accepté d’entre la cause en décembre 2014.

«On voulait que justice soit rendue. Justice a été rendue»

Les parents d’une des victimes, Caroline Fortier, ont accueilli la décision de la Cour suprême avec soulagement après un long combat mené au nom de toutes les familles de victimes de chauffards.

«On voulait que justice soit rendue. Justice a été rendue, a lancé dans un bref message devant les médias, Diane Vachon, mère de Caroline. Elle en a profité pour remercier tous les acteurs de l’appareil judiciaire, particulièrement le juge Hubert Couture et les procureurs au dossier, qui ont permis d’imposer puis de rétablir une peine de six ans et demi à Tommy Lacasse. Maintenant, nous pouvons tourner la page. C’est la fin», a-t-elle ajouté, visiblement pressée d’en terminer avec tout ce battage médiatique.

Le père de la victime, Daniel Fortier, a insisté sur le fait que la cause qu’ils défendaient dépassait leurs propres intérêts. «Le combat que nous avons fait n’a pas toujours été facile. Nous l’avons fait pour Caroline et Nadia, mais aussi au nom de toutes les familles qui ,comme nous, sont victimes de la conduite avec les facultés affaiblies causant la mort.»

Au moment de la décision de la Cour d’appel en 2014, ils avaient protesté haut et fort contre la réduction de peine, appuyés publiquement par l’avocat Me Marc Bellemare, spécialisé dans la défense des victimes de la route.

«Nous ne sommes pas seuls à vouloir que les lois changent et que les sentences soient plus sévères», a-t-il ajouté, faisant référence à une pétition en ligne de 32 000 noms lancée en août par un homme du Saguenay qui réclame des mesures plus sévères envers les conducteurs ivres.

La procureure de la première heure au dossier, Me Audrey Roy-Cloutier, a dit avoir un sentiment d’accomplissement pour son collègue qui a plaidé la cause devant la Cour suprême, Me Régis Boisvert, et pour elle-même.

Elle est satisfaite que le plus haut tribunal ait abordé la question de la réalité régionale dans l’imposition d’une peine. «Il est important d’en tenir compte parce que la peine doit être individualisée et tenir compte de toutes les circonstances. Le dossier Tommy Lacasse émane de la Beauce. Tenir compte de la situation locale de la Beauce est donc un facteur pertinent», plaide-t-elle.

«C’est le droit qui a avancé aujourd’hui avec cette décision», conclut la juriste.

Chronologie

17 juin 2011

Vers 4h20, Tommy Lacasse fait une sortie de route dans une courbe à haute vitesse au volant de sa Mazda Speed 6 sur la route 275. Ses deux passagères meurent sur le coup.

10 Juin 2013

Il plaide coupable de conduite avec les facultés affaiblies causant la mort de ses amies, Caroline Fortier, 17 ans, et Nadia Pruneau, 18 ans, à Sainte-Aurélie, en Beauce.

4 octobre 2013

Le juge Hubert Couture lui impose une peine de six ans et demi de pénitentier et une interdiction de conduire de 11 ans.

15 mai 2014

Les juges de la Cour d’appel se rendent aux arguments de la défense et réduisent la peine d’emprisonnement de six ans et demi à quatre ans et l’interdiction de conduire, de onze à quatre ans.

17 décembre 2015

La Cour suprême rétablit à six ans et demi la peine devant être purgée par Tommy Lacasse. Elle avait accepté d’entendre la cause le 18 décembre 2014.