Une famille en deuil veut poursuivre Hydro-Québec

La famille éplorée d’un travailleur mort noyé dans sa pelle mécanique à La Romaine s’attaque à Hydro-Québec, qu’elle juge responsable de la mort tragique de Steeve Barriault et des trois autres travailleurs décédés sur le chantier.

PIERRE-PAUL BIRON (Journal de Québec)
http://www.journaldequebec.com/2016/12/19/une-famille-en-deuil-veut–poursuivre-hydro-quebec

Clément Barriault n’en démord pas, Hydro-Québec est en partie responsable de l’accident qui a tué son fils le 11 mars 2015, et il fait appel à l’ancien ministre de la Justice Marc Bellemare pour poursuivre l’entreprise devant les tribunaux. C’est la négligence de la société d’État et celle de l’employeur Neilson-EBC Excavation qui auraient mené à sa noyade, coincé dans sa pelle mécanique.

«Jamais je ne vais me taire. Quand tu es capable de risquer la vie de quelqu’un comme ils l’ont fait, t’es un tueur et rien d’autre», s’emporte l’homme de Havre-Saint-Pierre qui ne s’est jamais vraiment remis de la mort de son fils de 39 ans.

Après avoir tenté sans succès d’intenter des recours contre la société d’État, la famille Barriault a fait appel à Marc Bellemare. «La loi prévoit qu’on ne peut pas poursuivre l’employeur. C’est une aberration qui date de 1931. Mais tu peux poursuivre un autre employeur que le tien», explique Me Bellemare. Steeve Barriault étant l’employé de Neilson-EBC, sa famille peut donc réclamer à Hydro-Québec. «Ce qu’on fera assurément en 2017», promet l’avocat.

« Ils ont mis le paquet »

Ce combat, la famille entend le porter pour la mémoire de son fils, mais aussi des trois autres ouvriers morts au cours des sept dernières années sur les chantiers de La Romaine. «Si on ne se tient pas, il va y en avoir d’autres. Ils détruisent des vies, des familles et ils s’en foutent», insiste Clément Barriault.

Son autre fils, Dany, travaille toujours sur le chantier. Chaque matin, c’est à reculons qu’il va au boulot, hanté par les images de la pelle mécanique submergée qui est devenue le tombeau de son frère. «Tu vas là pour gagner ta vie, pas pour la perdre. Plus ça va, plus je me dis que j’aimerais mieux ne pas avoir d’emploi que d’aller crever là», dit-il.

Chantier de la mort

Les Barriault n’accepteront jamais la fin horrible qu’a connue Steeve, peu à peu immergé, voyant la mort arriver. Ils espèrent toutefois trouver un peu de réconfort à voir les responsables de ce «chantier de la mort» devoir répondre de leurs décisions.

«Chaque nuit, j’entends mon fils crier à l’aide. Je veux qu’Hydro-Québec reconnaisse qu’ils lui ont fait subir cette souffrance-là», réclame le père de famille rongé par la douleur.

QUATRE EXTRAITS DU RAPPORT DE LA CNESST

«La gestion déficiente des travaux de déblaiement de la centrale par le maître d’œuvre (Hydro-Québec) et l’employeur permet l’accès à un terrain dangereux où il y a risque de submersion.»

«Le maître d’œuvre a fait retirer les pompes qui évacuent l’eau de la partie basse de la centrale pour éviter qu’elles soient endommagées par la chute de débris de roche lors des travaux de dynamitage.»

«La condition du terrain […] est alors inconnue. Aucune activité terrain n’est permise sans une analyse préalable du site dont on ignore la stabilité, la capacité portante et/ou la profondeur. […] Avant l’accident, Hydro-Québec ne s’est pas assuré de la réalisation de l’analyse.»

«Le surintendant donne la directive de retirer la neige en considérant que la profondeur d’eau est d’environ 0,75 m, se fiant à un précédent sondage (alors que la profondeur était de 5,6 m).»