Le 13 avril 1999, deux avocats de Québec, Jean-Germain Huot et Jean-Paul Anglehart, perdaient la vie dans un écrasement d’avion à Gaspé, de même que le pilote et le copilote de la compagnie Myrand Aviation.
La veuve de Me Anglehart, Marie Claire Ouellet, qui dirige la Commission de la capitale nationale (CCN), a hésité avant d’accepter l’invitation du Journal de revenir publiquement sur ces tristes événements qui la secouent encore aujourd’hui.
«Le tapis vous glisse sous les pieds. Chaque fois qu’il y a un accident d’avion, cela me fait revivre la tragédie. J’avais le choix de me laisser aller ou de continuer et j’ai continué. C’est ce que Jean-Paul aurait voulu», confie la présidente-directrice générale de la CCN.
Dans l’enveloppe qu’on lui a remise après l’accident, il y avait un bout de tissu et un bouton, ainsi qu’un bracelet en maille de chaîne en or tout calciné. Sous la force de l’impact et de l’explosion qui a suivi, il ne restait pratiquement plus rien de l’intérieur du Cessna, sauf cette petite relique à laquelle elle s’accroche.
«Je ne le porte pas souvent, car j’ai peur de le perdre, mais ce matin, j’ai fait une exception», dit-elle.
De vives émotions
Chaque mois d’avril apporte son lot d’émotions pour Mme Ouellet, qui était mariée depuis 1981 avec Me Anglehart.
Le matin de la tragédie, les deux avocats étaient attendus à l’aéroport international Jean-Lesage pour prendre place à bord d’un appareil de type Cessna 335 de la compagnie Myrand Aviation à destination de Gaspé où ils se rendaient par affaires.
Me Huot était un syndic de faillite engagé et reconnu dans la communauté, tandis que Me Anglehart était spécialisé en droit des affaires et était tout aussi apprécié dans le milieu judiciaire. Me Anglehart avait comme associé Me Marc Bellemare.
«Jean-Paul avait une pratique très importante dans l’Est-du-Québec, notamment auprès des crabiers qu’il représentait depuis quelques années. C’est un choix qu’il avait fait. C’est sûr qu’il y avait des accointances. Ses racines gaspésiennes ont toujours été importantes pour lui», confie Mme Ouellet.
«Très difficile»
Me Bellemare ne pourra jamais oublier cette journée où il a perdu un associé, mais surtout un ami, «un bon vivant» qu’il aimait côtoyer.
«C’est un gars qui travaillait fort. Ç’a été très difficile émotivement. Quand tu perds un gros morceau comme ça dans un bureau d’avocats, c’est sûr qu’il y a des conséquences importantes. Tous les employés étaient dévastés, mais, moi, je n’avais pas le droit de l’être. Il fallait que je continue pour réorganiser tout cela», poursuit Me Bellemare qui n’a plus jamais eu d’autres associés par la suite.
Lui et Me Anglehart avaient chacun leur spécialité. «Beaucoup de choses se réglaient par un signe de tête. Ça marchait!» lance-t-il.
Toujours ébranlée par l’accident
Marie Claire Ouellet, qui était alors directrice du cabinet de relations publiques National à Québec, sortait d’une rencontre avec un client, au milieu de l’avant-midi fatidique, lorsqu’elle a reçu un appel de la secrétaire de Me Huot qui était en panique.
«Elle disait que l’avion avait disparu. J’ai essayé d’appeler Jean-Paul sur son cellulaire et il n’y avait pas de réponse. Par la suite, tout s’est bousculé.»
Dans la confusion des premiers instants, elle a pensé que son mari avait survécu puisque le nombre de victimes ne concordait pas avec le nombre de passagers, mais la vérité l’a vite rattrapée.
«La seule consolation que j’aie, c’est qu’ils n’ont pas eu le temps de souffrir. C’est ce qui est important pour moi», confie Mme Ouellet avec des trémolos dans la voix.
Combien de fois s’est-elle demandé pourquoi le pilote n’avait pas rebroussé chemin à Mont-Joli, sachant que les conditions météorologiques s’étaient détériorées et qu’il devenait difficile d’atterrir en toute sécurité ? Des centaines de fois.
Alors que le temps était splendide à Québec, la dernière séquence météo à Gaspé faisait état d’un plafond à 200 pieds, d’un ciel couvert, de fortes précipitations de neige et d’une visibilité limitée.
Bouée de sauvetage
Pour elle, la gestion de crise a rapidement pris le dessus sur les émotions. Il fallait régler la succession, fermer la pratique de son époux et s’assurer que chaque client soit contacté.
«J’ai été rattrapée par les événements beaucoup plus tard. Dans le feu de l’action, vous n’avez pas trop le temps de penser. Vous avez des choses à vous occuper. Sur le plan personnel, il y avait aussi des décisions à prendre. Quelques semaines après son décès, c’était son anniversaire. Les premières vacances. Le déménagement. Le premier Noël. Mais la vie finit par reprendre ses droits et c’est normal.»
La veuve de Me Anglehart a trouvé une bouée de sauvetage dans le travail.
«L’aspect professionnel a pris une place très importante dans ma vie. C’est devenu ma priorité. Je suis devenue associée chez National. Par la suite, j’ai bifurqué dans la haute fonction publique.»
Encore aujourd’hui, Mme Ouellet pense régulièrement à son défunt mari, même si elle a refait sa vie. Elle a fait placer son urne, à elle, à côté de la sienne au complexe funéraire La Souvenance où il repose en paix.
Survivre à la mort tragique de son mari a laissé des traces.
«Je dirais que cela m’a rendue plus dure. Au fil des ans, cela a teinté mon caractère et ç’a eu un effet sur la suite. C’est une méchante épreuve que tu ne souhaites à personne.»
Rappel de la tragédie
– Date de l’accident: 13 avril 1999
– Heure approximative: 10 h 30 AM
– Lieu de l’écrasement: à proximité de la piste 11/29 de l’aéroport de Gaspé
– Cause identifiée par le BST: perte de contrôle
– Facteurs contributifs: conditions météorologiques
Avec la collaboration de Stéphane Doré à la recherche