Les proches d’une victime de la Grande Mosquée de Québec indemnisés
Les proches d’Aboubaker Thabti, assassiné dans la tuerie au Centre culturel islamique de Québec le 29 janvier 2017, seront reconnus par le programme d’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) après deux refus. Fort de cette victoire, l’avocat de la famille, Marc Bellemare, demande à toutes les victimes de se manifester auprès de lui avant le 29 janvier pour faire reconnaître leur traumatisme.
CÉLINE FABRIÈS/Le Soleil
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La conjointe d’Aboubaker Thabti, Kadija Thabti, et ses deux enfants de 13 et 5 ans recevront donc une compensation financière pour la perte de revenus, un suivi psychologique, et une rente à vie du gouvernement pour le choc post-traumatique subi après le tragique événement à la Grande Mosquée de Québec.
La famille Thabti a appris la nouvelle vendredi, quelques jours avant son passage devant le tribunal. Son avocat, Marc Bellemare, a reçu un courriel du ministère de la Justice, l’informant de l’admissibilité de ses clients aux bénéfices de la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels à titre de victime.«C’est un soulagement après deux ans», a déclaré Mme Thabti, alors qu’il était très difficile pour elle de travailler. «J’essayais, mais je n’étais pas capable. Je fais encore beaucoup de cauchemars, j’ai peur de sortir toute seule, et je pleure beaucoup», a-t-elle confié dimanche en conférence de presse.
Son fils, Mohamed Thabti, a avoué également faire encore des cauchemars après avoir vu le sang et les impacts de balles à l’intérieur de la mosquée. Il se sent également coupable de ne pas avoir deviné qu’Alexandre Bissonnette préparait quelque chose de terrible après l’avoir rencontré à la mosquée trois jours avant la tuerie. «Si j’avais été plus méfiant, j’aurais peut-être pu faire quelque chose», a-t-il révélé.
Changer la définition
Pour Me Bellemare, il apparaissait évident que ses clients étaient des victimes d’Alexandre Bissonnette. «Mme Thabti peut dire mission accomplie. […] Je veux féliciter Mme Thabti et ses enfants pour avoir tenu le coup. Ça n’a pas été facile. Se battre contre la machine gouvernementale, ce n’est jamais une partie de plaisir.
«Il a fallu attendre deux ans. Deux ans de mépris, deux ans d’incompréhension, alors qu’à l’évidence, ces trois personnes-là sont des victimes au sens de la loi», a-t-il déploré.
Selon Me Bellemare, la ministre de la Justice, Sonia Lebel, doit changer la définition de l’IVAC pour être reconnue comme victime. Pour l’instant, la loi dit que «pour être admissible au régime, la personne doit avoir subi un préjudice matériel, être blessée ou tuée à la suite d’un acte criminel commis au Québec». La victime doit donc «démontrer l’existence d’une blessure ou d’un décès résultant directement de l’acte criminel».
Or, pour Me Bellemare, des personnes peuvent être également des victimes de l’acte criminel sans avoir été directement touchées. «C’est inconcevable que des citoyens accablés par un traumatisme soient obligés de se battre pour recevoir une compensation de revenu et un traitement», a-t-il dénoncé.
Reconnaissance
Me Bellemare appelle toutes les personnes qui ont subi un choc post-traumatique de se manifester avant le 29 janvier parce qu’elles se qualifient comme victime. «J’invite ceux et celles qui ont été confrontés à la scène de crime et qui ont subi un choc mental à me contacter pour que je puisse faire les réclamations.» L’avocat s’est engagé à traiter leurs dossiers gratuitement.
Il a rappelé qu’à Lac-Mégantic, il y a 700 personnes qui se sont qualifiées. «Elles ont vu le brasier et elles savaient qu’à l’intérieur de ce drame-là, il y avait un ami, un conjoint, un cousin, un voisin qui avait péri ou qui avait été blessé.»
Pour le moment, il y a sept dossiers dans le système en plus de celui de la famille Thabti. Parmi ces dossiers, plusieurs ont essuyé des refus. La victoire de la famille Thabti va certainement changer le résultat et des dizaines d’autres dossiers pourraient s’ajouter si d’autres victimes se manifestent.