L’ex-ministre de la Justice, Me Marc Bellemare, a confirmé que Mohammad Shafia, accusé du meurtre de ses trois filles

Mohammad et Tooba Shafia pourraient obtenir plus de 200 000$ d’indemnités de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) pour la mort de leurs trois filles et de la première femme de M. Shafia, croit l’ancien ministre de la Justice Marc Bellemare, et ce, quel que soit le verdict du procès pour meurtre les impliquant.

ANABELLE NICOUD | LA PRESSE

Au Québec, la Loi sur l’assurance automobile prévoit l’indemnisation des parents et des conjoints des victimes d’un accident de la route, sans égard à la responsabilité (no fault).

Selon Marc Bellemare, dans le cas des Shafia, tant la thèse de la défense que celle de la Couronne correspondent à la définition légale d’un accident.

«C’est sûr que c’est un accident. De la façon dont la loi québécoise est appliquée, tout dommage corporel ou décès qui résulte d’un accident d’auto est couvert par la loi, explique-t-il. C’est courant, et ça le serait encore plus si M. Shafia est acquitté.»

La responsabilité criminelle n’est pas prise en compte dans ces cas, dit celui qui, depuis de nombreuses années, dénonce le no fault. «Même si le père est reconnu criminellement responsable, ça n’a aucune importance.»

«Il n’y a pas de distinction entre le caractère volontaire ou involontaire du geste. Ça mène à des situations qui peuvent être jugées aberrantes», estime aussi Daniel Tétrault, professeur de droit à l’Université de Sherbrooke.

Mais il n’est pas sûr que les Shafia pourraient être indemnisés. «Théoriquement, ils pourraient, selon une interprétation de la loi, et qu’on en vient à la conclusion qu’il y a eu un accident. Mais est-ce qu’ils l’ont fait? S’ils le faisaient est-ce que la société de l’assurance les indemniserait sans s’y opposer? J’en doute.»

La SAAQ réfute elle aussi un tel scénario. «La loi est assez claire sur le fait accidentel d’un accident d’automobile, répond une porte-parole de la SAAQ. Donc quand un véhicule est utilisé pour commettre un meurtre ou le camoufler, le fait accidentel ne sera pas démontré.»

L’avocat Raymond Landry, spécialisé en assurance automobile, soutient que le fait que la loi ne prévoit pas d’indemnité en cas «d’abandon» ferme la porte à d’éventuelles réclamations. «Quand on tue ses enfants, c’est encore plus fort que l’abandon», dit-il.

Mais pour Marc Bellemare, la SAAQ verse «des millions» en indemnités chaque année.

«Il y en a beaucoup qui sont le résultat d’un acte criminel. Tout le monde réclame à la SAAQ dès qu’il y a une blessure ou un décès, et ils ne tiennent pas compte de la nature criminelle de l’acte.»

Les indemnités

La loi prévoit une indemnité de 47 000$ aux parents dont les enfants périssent dans un accident de voiture, ainsi que des indemnités de 5000$ par enfant pour les frais funéraires. Selon Marc Bellemare, la première femme de M. Shafia, retrouvée morte elle aussi dans l’écluse de Kingston, est une conjointe au sens de la Loi sur l’assurance automobile. Les indemnités dont pourrait se prévaloir M. Shafia vont de 60 000$ à 300 000$.