Marc Bellemare croit qu’il faut réexaminer la défense de non-responsabilité pour troubles mentaux
04 janvier 2013
Par : Jean-Nicolas Blanchet
Estimant que l’affaire Guy Turcotte a eu des effets dévastateurs sur la perception qu’a le public de la justice criminelle, l’ex-ministre Marc Bellemare estime qu’il faut revoir le Code criminel pour éviter que les accusés puissent continuer d’invoquer une auto-intoxication pour ne pas être reconnus criminellement responsables de leur crime. Me Bellemare exige un réexamen de l’article 16 du Code criminel dans une lettre d’opinion transmise au Journal (publiée à la page 17). Un commentaire tranchant où il conclut que le gouvernement Harper doit passer vite de la parole aux actes «en réponse à ceux qui pourraient être tentés de disculper les meurtres de leurs enfants au profit du méthanol». L’avocat croit qu’aucun autre procès n’a autant suscité l’incompréhension de la population. C’est pourquoi l’ex-ministre de la Justice explique que des moyens doivent être pris pour rétablir la confiance du public envers la justice. Dangereux et inquiétant dans son interprétation actuelle, l’article 16 du Code criminel doit donc être modifié, ajoute-t-il. L’article concerne la non-responsabilité criminelle d’un accusé pour troubles mentaux et il a été au cœur de l’affaire Guy Turcotte. Selon la décision, ce dernier était incapable de juger la nature de ses actes puisqu’il souffrait d’un trouble mental d’adaptation et avait les sens altérés par l’absorption de méthanol. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a interjeté appel. La cause devrait être entendue d’ici le printemps. Le juge aurait erré, car il devait clairement faire savoir au jury que l’intoxication au méthanol ne pouvait pas faire partie des critères servant à fonder la non-responsabilité criminelle, selon le DPCP. Alcool au volant Les tribunaux ont déjà reconnu ce principe, mais pour des cas d’alcool au volant, précise Me Bellemare. En entrevue, il expose que l’interprétation n’est pas aussi claire dans le cas de l’affaire Turcotte. «Il y a du méthanol dans le décor, et c’est le mélange avec le trouble d’adaptation qui fait en sorte qu’il n’est pas responsable.» «Je crois qu’on ne devrait jamais pouvoir invoquer sa propre intoxication pour justifier quelque comportement que ce soit. L’article 16 doit être modifié pour écarter cette possibilité. La responsabilité doit être automatique dans ce cas. Tu deviens aliéné, car tu t’es toi-même intoxiqué. Pourquoi profiterais-tu des largesses de l’article 16?» s’interroge l’avocat. Il rappelle aussi que deux fois plus de cas de non-responsabilité criminelle sont enregistrés au Québec par rapport au reste du pays. «L’article 16 est écrit pour les gens qui ont des troubles psychiatriques. Un trouble d’adaptation n’est pas nécessairement aliénant. Plein de gens ont des problèmes d’adaptation», ajoute-t-il. Le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu a déjà manifesté sa volonté de proposer le réexamen de l’article 16 pour attribuer une certaine part de responsabilité aux délinquants. * * *