Orphelins de Duplessis: «Hors délai» pour un dédommagement
Émile Babin, de Québec, raconte les coups de «barreaux de chaise» assénés par une religieuse sur ses mains. Puis, il décrit la sangle de cuir «de quatre pouces» des prêtres dont le claquement résonnait sur son postérieur. «On a mangé la volée.» Des sanctions livrées en public, pour l’exemple. Des sanctions parfois reçues en présence d’un médecin, parce que trop graves. C’était à la fin des années 1950, il avait plus ou moins 10 ans, et il était orphelin.
Source: le Soleil
Hier, en conférence de presse, il a chargé l’État québécois qui refuse de lui octroyer l’indemnisation de 15 000 $ promise aux orphelins de Duplessis. Il s’est bien rendu au siège du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, rue Saint-Amable, à Québec, pour remplir un formulaire. Mais la préposée ne lui a pas remis le document. Le programme est terminé, M. Babin est «hors délai».
Histoire de vérifier, nous avons joint le ministère en composant le 1 866 225-0270. C’était le numéro fourni aux victimes pour le dépôt de leur dossier. Réponse : «Le programme est terminé. On ne peut plus faire de demande.»
Le ministre titulaire, Sam Hamad, a sursauté lorsque nous avons abordé le cheminement de M. Babin. «C’est inacceptable.» Il venait tout juste de certifier que toutes les requêtes des «retardataires» sont évaluées pas son équipe.
Pas le seul
D’ailleurs, Émile Babin n’est pas le seul qui n’avait jamais entendu parler du Programme national de réconciliation avec les orphelins et orphelines de Duplessis lancé en 2007. Sam Hamad souligne que plus de 220 dossiers reçus après la date butoir sont toujours en traitement. «On est en train de les étudier, après on verra.» Par compassion, le gouvernement pourrait finalement indemniser ceux qui répondent aux critères.
Deux orphelins de Duplessis opiniâtres viennent justement d’obtenir gain de cause. Le 23 décembre dernier, sans tambour ni trompette, le gouvernement a adopté un décret pour leur verser le 15 000 $ même si leur réclamation était arrivée après le 2 février 2009, la dernière date butoir.
Le député adéquiste François Bonnardel et l’avocat Marc Bellemare accompagnaient un groupe d’orphelins de Duplessis, hier, au cours de la rencontre de presse. Ils dénoncent «la dérive bureaucratique». Ces personnes souvent démunies n’ont jamais été jointes par Québec et elles savent rarement qu’une indemnisation dort dans les coffres de l’État, regrettent-ils. En somme, ils demandent que le gouvernement n’impose plus de date butoir et accueille toutes les demandes d’indemnisation des orphelins ayant subi des sévices entre 1935 et 1965.
En 2001, Québec avait créé un premier programme d’indemnisation. Plus de 1000 orphelins de Duplessis avaient obtenu environ 26 millions $. Mais plusieurs n’étaient pas admissibles. Une nouvelle enveloppe de 19 millions $ a été débloquée en 2007 pour 1270 autres orphelins. Depuis, le gouvernement prolonge régulièrement le programme afin d’accepter de nouveaux cas. Ainsi, 725 personnes de plus ont reçu 15 000 $ chacun.