Où est le glaive ?
le 28 avril 2013
Samedi, j’ai prononcé une conférence dans le cadre du colloque « La justice criminelle : l’œil des victimes », qui se déroulait à Québec.
Publié par : Richard Martineau
Je reviendrai sur les rencontres extraordinaires que j’ai faites lors de ce colloque organisé par Marc Bellemare et l’Association des familles de personnes assassinées ou disparues.
Mais aujourd’hui, j’aimerais vous livrer un court extrait de ma conférence.
SOURDE ET AVEUGLE
Tout le monde connaît la fameuse statue qui représente la Justice. Cette statue brandit trois accessoires.
Un bandeau sur les yeux, pour montrer qu’elle est impartiale.
Une balance dans la main gauche, pour montrer qu’elle est équilibrée, qu’elle écoute les deux points de vue avant de trancher.
Et dans la main droite, un glaive, une épée. Pour montrer qu’elle est sévère. Dure. Ferme. Rigoureuse.
Parfois j’ai l’impression que si l’on demandait à un artiste contemporain de créer une statue qui représente la justice aujourd’hui, il y aurait deux choses différentes.
Un: on lui mettrait des bouchons dans ses oreilles pour qu’elle n’entende pas les cris des victimes. Elle serait donc aveugle ET sourde. Et deux: on lui enlèverait son épée.
La statue qui représente la justice s’inspire de la déesse grecque Thémis, qui incarnait l’ordre divin. Thémis était crainte des hommes, car elle leur promettait des éclairs et des catastrophes si jamais ils ne respectaient pas l’ordre de l’univers. Qui craint la justice, aujourd’hui?
L’ÉQUILIBRE EST BRISÉ
«La force sans la justice est tyrannique, écrivait Blaise Pascal. Mais la justice sans la force est impuissante…»
Entendez-moi bien: je ne suis pas contre la réinsertion. Mais comme la statue de la Justice, je suis pour l’équilibre. Réinsertion d’un côté, punition de l’autre…
Malheureusement, je ne sais pas ce qui arrive, mais depuis quelque temps, la balance penche juste d’un bord. Comme si on déplaçait des poids d’un plateau à l’autre pendant qu’on dormait…
Non seulement la justice est-elle sourde aux plaintes des victimes, mais on a l’impression que le système tourne à vide. C’est à l’avocat qui va sortir le détail de procédure le plus obscur, le point de droit le plus abscons, le plus fumeux pour innocenter son client.
Vous savez, ces médecins qui sont tout contents d’avoir sauvé la vie d’un fœtus prématuré de cinq mois qui est né sourd, muet et aveugle? Qu’importe si l’enfant est tout croche, ils s’en foutent, ils l’ont sauvé, ils le donnent à sa mère et vont fêter avec leurs confrères.
«Hey, moi j’en ai sauvé un de cinq mois!
– Moi, de quatre mois et demi!»
Eh bien, parfois, on se demande si ce n’est pas comme ça avec les avocats.
«J’ai réussi à faire sortir un gars qui a tué sa femme et son fils.
– Moi, sa femme et ses deux fils!»
L’HOMME AU CENTRE
Ce que demandent les victimes est simple.
C’est la même chose que les militants d’Occupy Wall Street demandent aux grands vizirs de l’économie: remettez l’homme au centre de votre système.
Un système économique qui accroît les inégalités entre les riches et les pauvres est un système qui vit sur du temps emprunté. Idem pour un système de justice qui accroît les inégalités entre les criminels et les victimes.