Une pétition demande d’indemniser les parents des victimes et non les chauffards

La Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ) doit cesser de verser des millions à des criminels de la route et doit indemniser plutôt «les bonnes personnes», selon ce qu’exigent les signataires d’une pétition lancée vendredi.

PATRICE BERGERON – LA PRESSE CANADIENNE
Source: Le Journal de Montréal

Elle réclame que les parents des victimes des chauffards soient reconnus également comme des victimes pour être pleinement compensés, ce qui n’est pas le cas actuellement. En contrepartie, les chauffards reconnus coupables seraient privés de leurs indemnités.

Il s’agirait donc d’une brèche au régime québécois sans égard à la faute, communément appelé «no fault», qui considère le chauffard aussi comme une victime de l’accident.

«Qu’on arrête de donner des chèques qui vont jusqu’à 1600 $ par deux semaines à des criminels qui sont en attente de procès ou qui ont déjà été condamnés, c’est ahurissant!» a déclaré l’avocat Marc Bellemare, ancien ministre de la Justice et militant de cette croisade, dans une conférence de presse vendredi à Québec.

Selon des estimations que Me Bellemare juge conservatrices et qui datent de plusieurs années, la SAAQ verse pas moins de 15 millions $ par année à des criminels.

«Le gouvernement ne peut pas dire qu’il manque d’argent. Qu’il arrête de donner aux mauvaises personnes et qu’il donne aux bonnes, aux véritables victimes.»

Il exige qu’on arrête de «pervertir la loi» et demande s’il est normal de dédommager pour leurs blessures des personnes incarcérées. Selon lui, la criminalité sur la route est «banalisée».

«C’est inconcevable, quelqu’un qui commet un acte criminel au volant obtient l’immunité, ce n’est pas normal», a renchéri la porte-parole de la Coalition avenir Québec en matière de sécurité publique, Sylvie Roy.

«Je ne peux pas comprendre pourquoi le gouvernement dépense autant d’argent en sécurité routière sans rénover sa loi sur l’assurance auto», a-t-il ajouté.

Un documentaire sur cette question intitulé «Arme à quatre roues» sera d’ailleurs diffusé dimanche à Télé-Québec. Sa réalisatrice, Marie Nadeau, est aussi intervenue durant la conférence de presse.

«C’est incroyable, on est le seul endroit au monde à avoir un système «no fault» aussi intégral», a dit la documentariste.

Marc Bellemare a cité en exemple le Manitoba, où aucun remplacement de revenu ne sera versé la première année à un conducteur fautif qui a été impliqué dans un accident quand l’alcool ou la drogue est en cause.

Et même au Québec, deux autres régimes d’indemnisation sont plus sévères, soit celui de la Commission de la santé et sécurité du travail (CSST) et de l’Indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC).

En vertu de la loi de l’IVAC, quelqu’un qui contribue à son malheur ne peut être indemnisé, tandis que selon la CSST, si le dommage résulte de l’imprudence grossière et volontaire du travailleur, il ne peut recevoir d’indemnités, a fait valoir Me Bellemare.

«Il faut qu’il y ait une conséquence, il faut arrêter de payer intégralement comme si c’était le même type de victime», a-t-il plaidé.

Deux parents de victimes de criminels de la route ont également crié à l’injustice au cours de la conférence de presse. Hélène Auger et Claude Jolicoeur ont pris part au documentaire de Marie Nadeau. Mme Auger a perdu son fils de 16 ans, à la suite d’une collision causée par un récidiviste de l’alcool au volant. La fille de M. Jolicoeur est dans un état végétatif à la suite d’un accident causé par un criminel de la route.

«Nous sommes des victimes, nous supportons les conséquences de l’accident, a déclaré Claude Jolicoeur. La sentence à vie, nous, nous l’avons eue.»

Hélène Auger a comparé son sort à celui du récidiviste qui a fauché son fils. «C’est sa quatrième offense et il a plus de droits que moi, parce que c’est clairement écrit que je ne suis pas une victime, que n’ai pas été heurtée, je n’ai pas été tuée», a-t-elle dit.

La porte-parole du ministre responsable de la SAAQ, Pierre Moreau, n’a pas donné suite à nos demandes d’entrevue.