«Tu te bats contre des requins»

Après six ans, un travailleur invalide à cause de son travail gagne sa cause contre la CSST

Publié par : Danny Gauthier | Source: Journal de Montréal

Serge Mercier, un ancien travailleur d’une usine de meubles, a récemment gagné en Cour supérieure sa lutte contre la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), qui refusait de reconnaître que son invalidité était causée par son travail.

«Tu te bats tout le temps contre des requins; la vie, je ne pensais pas que c’était comme ça», résume M. Mercier, après six longues années de démarches judiciaires. Depuis 2006, l’homme de Thetford Mines ressent de vives douleurs dans les poignets et dans les coudes. À l’emploi de la compagnie Shermag, à Disraéli, depuis plus de 10 ans, Serge Mercier était appelé à soulever et à déplacer de lourdes charges. «Vers la fin, je demandais aux gens de m’aider», a-t-il raconté.

 

Après l’avoir examiné, le médecin de M. Mercier l’a mis en arrêt de travail. L’homme de 53 ans a subi quatre opérations aux canaux carpiens entre 2007 et 2010. Malgré les tentatives, aucune opération ne règle ses problèmes. «La nuit, mes mains engourdissent et je ne peux pas conduire, ça fait trop mal», a souligné Serge Mercier.

 

La CSST refuse

Malgré l’avis des experts qui concluent que les maux de M. Mercier sont dus aux tâches répétitives de l’usine de meuble, la CSST ne veut pas l’indemniser. «La CSST a toujours refusé toutes les réclamations, systématiquement, à deux reprises», a affirmé son avocat, Me Marc Bellemare.

C’est alors que l’homme décide, en 2009, de porter la cause à la Commission des lésions professionnelles (CLP) qui accepte de reconnaître la limitation aux mains et aux coudes de M. Mercier. L’année suivante, le quinquagénaire ressent également des douleurs aux épaules. «À cause du fait qu’il ne peut pas se servir de ses mains et de ses coudes, ça met une charge additionnelle sur les épaules», a expliqué Me Bellemare.

Or, la CLP ne considère pas ces problèmes comme étant relatifs à son travail et rejette la nouvelle demande de M. Mercier. La Commission décide aussi, en 2011, de consolider ses revenus et l’obligent à aller trouver un travail. «Ils refusaient de reconnaître des séquelles aux mains, ils disaient que les blessures étaient guéries et qu’il n’avait plus de séquelles», affirme l’avocat. «Je n’irai pas donner mon nom pour travailler quand je ne suis pas capable de rien faire!» lance l’homme qui a une troisième année du secondaire comme scolarité réussie.

 

Victoire

L’affaire est donc allée en Cour supérieure, qui a reconnu l’évaluation des experts et donné gain de cause à Serge Mercier. «C’est très rare que la Cour supérieure intervient pour contredire une décision de la CLP, c’est exceptionnel», admet Me Bellemare.

M. Mercier, aujourd’hui invalide de ses membres supérieurs, sait qu’il ne pourra plus jamais travailler et s’en remet à des promenades avec son chien et à sa passion pour la photographie.