Meurtre à Lac-Saint-Charles: des reproches envers la police de Québec
Dans une puissante déclaration, les parents de Kim Lebel, accusé du meurtre de Jacques Côté, ont dénoncé «la lenteur et le service broche à foin» de la police de Québec. Ils espèrent que les failles seront corrigées afin d’aider d’autres familles aux prises avec des problèmes de santé mentale. «Pour nous, il est trop tard.»
JUDITH DESMEULES
Source: Le Soleil
Kim Lebel a été accusé du meurtre au second degré de Jacques Côté. L’homme de 30 ans aurait attaqué son voisin alors qu’il était en crise. Ses parents essayaient depuis plusieurs jours d’obtenir de l’aide psychiatrique d’urgence.
Les parents de l’accusé, Lucie Drouin et Daniel Lebel, se sont adressés aux médias lundi. Assis dans une salle de l’Hôtel Classique aux côtés de leur avocat Marc Bellemare, ils ont parlé des jours et des heures précédant le meurtre.
Ils ont surtout exprimé leur insatisfaction complète envers le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ).
«Il nous faudrait des journées entières pour raconter en détail le calvaire que nous avons vécu», lâche Lucie Drouin, avec de l’émotion dans la voix.
Avant de poursuivre, elle et Daniel Lebel ont d’abord formulé de sincères condoléances à la famille de Jacques Côté «qui a connu une mort insensée».
Me Marc Bellemare représente les parents de Kim Lebel.
LE SOLEIL, ERICK LABBÉ
Deux jours avant le meurtre, les parents de Kim Lebel avaient demandé l’intervention de la police de Québec pour leur fils qui présentait des propos incohérents. Deux policiers se sont rendus chez l’homme de 30 ans pour l’évaluer, le lundi 4 avril.
«Je peux vous dire que ç’a été assez bref. Ils ont dit que malgré de l’incohérence à certains moments, [Kim] répondait correctement», explique Mme Drouin.
Elle a alors insisté pour qu’il soit emporté d’urgence dans un centre psychiatrique. Daniel Lebel a aussi mentionné les antécédents de problèmes de santé mentale et le danger que Kim représentait pour lui et la société.
Le 5 avril, la veille du meurtre, devant «l’inaction» de la police, les parents de l’accusé ont contacté l’organisme La Boussole.
Le 6 avril, jour du meurtre, ils ont rencontré des intervenants à 9h. À 11h, ils étaient au palais de justice. Le juge Dominique Groulx a alors émis une ordonnance pour un examen psychiatrique sur-le-champ.
À midi, Lucie Drouin et Daniel Lebel étaient au poste de police, à la centrale Victoria.
«Je demande de l’aide à l’accueil et présente le jugement et l’ordonnance. Déjà à ce moment, je sens une lenteur, un manque d’empressement et un manque de compréhension de la dangerosité que j’exprime. Allez vous asseoir, qu’on me dit sèchement. J’attends», raconte Mme Drouin.
Les mots «psychose» et «danger» ont été prononcés à multiples reprises. Les policiers voulaient toutefois effectuer des «vérifications» avant d’intervenir. Ils ont renvoyé les parents de Kim Lebel à la maison en assurant qu’ils s’occupaient de tout.
Lucie Drouin et Daniel Lebel sont arrivés sur la rue Thibodeau à Lac-Saint-Charles à 15h35 pour trouver leur fils dehors, dans la rue, en pleine crise. Il venait d’asséner des dizaines de coups de barre de métal à Jacques Côté. Les voisins essayaient tant bien que mal de le contrôler.
«On voit complètement stupéfaits que notre fils est en pleine crise, on voit notre fils sous une emprise qui n’était pas lui-même. […] Ce drame n’aurait jamais dû arriver. Tout était en place pour l’éviter», laisse tomber Lucie Drouin.
Poursuites
Devant la résidence de Jacques Côté, plusieurs fleurs et messages ont été déposés.
LE SOLEIL, ERICK LABBÉ
Des poursuites sont envisagées contre le SPVQ. Me Bellemare doit rassembler toutes les informations qu’il possède et analyser le dossier avant de se prononcer.
«On a beaucoup d’informations, on a le nom de tous les policiers intervenus, on a les heures et les minutes, on a beaucoup de témoignages. On doit prendre le temps d’examiner tout ça comme il faut», explique Me Bellemare.
Une enquête indépendante a déjà été demandée par l’avocat le lendemain du meurtre, afin que les interventions de la police de Québec soient évaluées par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI). Cette demande a été entendue.
«La police de Québec a joué un rôle douteux dans le processus. […] À partir du moment ou il y a une ordonnance de cour qui est livrée aux policiers, il n’y a pas une minute à perdre. Le juge ordonne dans l’immédiat un examen. Ce n’est pas normal qu’on attende quatre heures avant que la police arrive», souligne Me Bellemare.
«Elle aurait dû immédiatement délivrer une patrouille et aller chercher le petit gars là-bas. À mon avis, c’est une erreur impardonnable. Il n’y a pas un processus ou une procédure administrative qui a le dessus sur une ordonnance de cour. Ce meurtre-là aurait pu être évité si on avait neutralisé Kim au moment de l’obtention de l’ordonnance», ajoute l’avocat, en précisant que les parents de Kim Lebel sont «crédibles» depuis le début de leurs demandes auprès des policiers.
Me Bellemare n’attendra pas nécessairement la fin de l’enquête du BEI avant d’intenter des poursuites contre la police de Québec, comme les conclusions pourraient être délivrées dans plusieurs mois.
Lucie Drouin et Daniel Lebel ont tenu à remercier leurs voisins, les résidents de la rue Thibodeau, pour leur soutien depuis la crise de leur fils et la mort de Jacques Côté.
LE SOLEIL, ERICK LABBÉ
Lucie Drouin et Daniel Lebel doivent participer à cette enquête du BEI, ils devront également témoigner dans le procès de leur fils, si procès il y a. Ils ne peuvent donc pas émettre aucun autre commentaire concernant les tragiques événements impliquant Kim Lebel.
«Peut-être que ça va aider, qu’il n’y ait pas de victime et que ça bouge. C’est surtout ça qu’on veut, nous il est trop tard, on a passé à côté», souffle Daniel Lebel, à la fin de la conférence de presse.
Pour l’instant, des réclamations ont été demandées au programme d’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) étant donné que les parents sont des victimes aux yeux de la loi.
Lucie Drouin et Daniel Lebel ont aussi tenu à remercier leurs voisins, les résidents de la rue Thibodeau, pour leur soutien depuis la crise de leur fils et la mort de Jacques Côté.
«Pourquoi le maire de Québec peut-il affirmer avoir totalement confiance en la police de Québec après ce qui s’est passé? Comment les parents de Québec peuvent avoir confiance en un système aussi lent et broche à foin?» sont des questions qui trottent sans cesse dans la tête des parents de Kim Lebel depuis le 6 avril.