Tragédie de l’autoroute Dufferin: endeuillé et abandonné par le système

Sept mois. Sept longs mois se sont écoulés entre le moment où Daniel Fortin a tragiquement perdu son fils de 14 ans et celui où il a finalement pu rencontrer un psychologue. Et il a fallu plus de 50 demandes avant qu’une main soit tendue à cet homme de Québec, victime d’un système brisé.

PIERRE-PAUL BIRON
Source: TVA Nouvelles

Cette attente, boulet supplémentaire à traîner dans le long tunnel noir du deuil, Daniel Fortin l’a vécue péniblement. Et ce n’est pas que le père de Jackson, mort le 2 septembre dernier dans l’accident de l’autoroute Dufferin-Montmorency avec sa demi-sœur, sa mère et son grand-père, n’a pas fait de démarches, au contraire.

Il a lui-même contacté une dizaine de psychologues. Le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) a aussi tenté de lui dénicher un spécialiste.

Une cinquantaine de perches au total, d’appels de détresse, lancés, mais tous sont restés sans réponse, ce qui illustre à quel point la demande est importante pour l’aide psychologique au Québec.

«C’est décourageant parce que déjà, de prendre le téléphone pour les appeler, ça prend tout ton petit change», déplore-t-il.

Même avec des idées suicidaires

Pourtant, s’il y a une âme qui avait besoin d’aide, c’est bien celle de Daniel Fortin.

«Jackson, c’est tout ce que j’avais. Je n’ai pas de blonde, pas d’autre enfant. J’étais tout seul, donc c’est sûr que j’ai pensé à me clencher», admet sans détour le père en deuil à propos de ses pensées suicidaires.

Daniel Fortin

«Je suis content d’avoir des amis, d’avoir de la famille. Sans eux autres, je ne sais pas si je serais encore là», ajoute-t-il, avec émotion.

L’homme de Québec a entrepris les démarches pour obtenir un suivi en novembre dernier, quelques semaines après le tragique accident et ce n’est que le 17 mars dernier qu’il a finalement eu un premier rendez-vous avec une psychothérapeute.

«C’est dès le jour 1 à l’hôpital qu’il y aurait dû avoir une prise en charge. Oui, il y a la travailleuse sociale du CAVAC et tout ça, mais ce n’est pas pareil. […] Je suis certain que ça aurait fait une différence. Ce n’est pas normal que ce soit aussi pénible», soupire Daniel Fortin.

Sentiment d’injustice

La goutte qui a fait déborder le vase est venue aux observations sur la peine d’Éric Légaré, à la mi-mars. Après son témoignage déchirant où il s’est ouvert sur ses difficultés à obtenir de l’aide, M. Fortin a entendu l’accusé parler des services qu’il obtient en prison.

«J’ai failli me lever dans la salle de cour, c’est une amie qui m’a retenu. Je bouillais par en dedans. Je me disais : “Hey ! Ça va bien tes affaires. Tu es en thérapie, tu règles tes affaires pendant que moi je braille ma vie tout seul”», tonne le père de Jackson, rappelant toutefois que le problème n’est pas le service offert dans les processus de réhabilitation, qui est « essentiel », mais bien le manque d’accompagnement aux victimes.

«Il faut espérer que les choses changent parce que c’est tough, souhaite Daniel Fortin. Le drame est déjà difficile à vivre, c’est comme si on en rajoutait une couche d’avoir besoin de se battre pour de l’aide.»