La dénutrition sévère peut être une lésion professionnelle, tranche le tribunal

Agressée par un opposant aux mesures sanitaires en août 2020, une agente de sécurité réussit à faire reconnaître un diagnostic de dénutrition sévère comme lésion professionnelle devant le Tribunal administratif du travail (TAT).
 

Dans une décision rendue le 31 août, le juge Gaétan Guérard donne raison à l’agente de sécurité Katy Raymond, représentée par Me Marc Bellemare.

 

Au début de l’urgence sanitaire décrétée en raison de la pandémie de COVID-19, Mme Raymond perd son emploi d’adjointe administrative. Elle décide alors de retourner travailler comme agente de sécurité chez Groupe de sécurité et d’enquête du Québec, un poste qu’elle avait déjà occupé pendant sept ans.

 

Selon des témoignages de médecins, la travailleuse n’avait aucun problème de santé invalidant avant l’agression ni aucun antécédent psychologique ou psychiatrique.

 

Le 27 août 2020, Mme Raymond assure la surveillance d’un CLSC de Lévis lorsqu’elle est « victime d’un assaut d’un patient frustré par les mesures sanitaires », souligne son avocat Me Bellemare dans un courriel envoyé au Soleil.

 

Les diagnostics de traumatisme craniocérébral et d’abrasion au coude gauche ont été posés. Par la suite, les diagnostics de choc post-traumatique, d’infection dentaire avec rétraction cutanée de la joue gauche et de contusion à la mâchoire sont également associés à la lésion professionnelle.

 

« Elle a reçu plusieurs coups de poing, dont un à la région de la tempe gauche. Elle est tombée au sol et a subi un choc à la tête », peut-on lire dans la décision.

 

Selon le « témoignage crédible » de la travailleuse, des problèmes de nutrition sont apparus dès l’automne 2020. Mme Raymond ne se nourrissait que de « smoothies ».

 

« Elle présente des haut-le-cœur lorsqu’elle introduit de la nourriture dans sa bouche. Si elle réussit à avaler, elle vomit peu de temps après. La douleur à la mâchoire l’empêche de se nourrir normalement », écrit le juge.

 

Son problème à la mâchoire qui l’empêche de bien s’alimenter est confirmé par une chirurgienne maxillofaciale en septembre 2021. Mme Raymond subira une chirurgie arthroscopique de l’articulation temporo-mandibulaire en novembre 2022. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) accepte jusqu’à maintenant tous les diagnostics de la travailleuse. Tous ces problèmes sont bel et bien liés à l’agression du mois d’août 2020.

 

« Entretemps, son état psychologique est grandement affecté par l’agression qu’elle a subie », écrit le juge dans sa décision.

 

À la suite de rencontres avec une psychologue, il est déterminé que Mme Raymond est très bouleversée par les éléments lui rappelant l’attaque. Lorsqu’elle pense à l’événement, la travailleuse conserve de fortes réactions physiques et émotionnelles, comme des nausées, des palpitations cardiaques, de la honte et de la colère.

 

Mme Raymond indique au tribunal être plus anxieuse depuis l’agression. Elle craint pour sa sécurité et fait de nombreux cauchemars, en plus de subir plusieurs « flashbacks ».

 

« C’est ce contexte qui explique la perte d’appétit et le début d’une consommation abusive d’alcool. […] Sa perte d’appétit se poursuit et conduit à une diminution de poids substantielle. […] Le professionnel de la santé qui a charge de la travailleuse pose les diagnostics de pancréatite et de dénutrition sévère. »

 

Selon le médecin, la pancréatite est consécutive à la consommation d’alcool, un comportement lié au stress. La dénutrition serait ensuite directement reliée à la pancréatite. La travailleuse développe aussi de l’anémie en juillet 2021. Ces trois derniers diagnostics ne sont pas attribuables à l’attaque subie, avait d’abord tranché la CNESST.

 

« La seule preuve médicale qui nie la relation des diagnostics de pancréatite, de dénutrition sévère et d’anémie avec la lésion professionnelle provient de l’avis du médecin-conseil de la CNESST », tranche le juge.

 

Le TAT déclare donc que les diagnostics de pancréatite, de dénutrition sévère et d’anémie sont en relation avec la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 27 août 2020 et que la travailleuse a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

Selon Me Bellemare, il s’agit de la première fois qu’un cas de dénutrition post-traumatique est accepté comme lésion professionnelle.

 

https://www.lesoleil.com/actualites/justice-et-faits-divers/2023/09/06/la-denutrition-severe-peut-etre-une-lesion-professionnelle-tranche-le-tribunal-H2N4MPOLLBASZPYWEBYTNFZAHI/